« Sans cette malédiction, personne n'aurait voulu t'épouser. T'es insupportable, banale, sans charme. Personne ne veut de toi. Peux être même que tu l'as fais exprès de dire oui à l'autel. »
La colère monta en moi comme un poison. Je ne contrôlai plus mon corps. Ma main frappa violemment son visage et des larmes vinrent brouiller ma vue. J'étais revenue 5 ans en arrière.

Novembre 2006

« - Je raccroche ou tu raccroches mon cœur ?
- On le fait ensemble ? Ma belle.
- Ok. 1, 2, 3.
- 1, 2, 3.
- ...
- ... Quelle bouffonne cette fille ! Elle me fait tellement pitié que ça me ferait presque pleurer. De rire bien sûr ! Ahah, elle prend trop cher ! Depuis tout ce temps ! Tu verras, elle sera bientôt dans mon lit et tu me devras trois bouteilles de Manzana, une place de concert et le dernier magasine Playboy ! »

Bien sûr, personne ne raccroche dans cette situation. On attend toujours le *bip* pour être certain que l'autre n'est plus au bout du fil. J'étais comme tout le monde. J'avais attendu. Je n'aurais pas dû. Je lançai mon téléphone à l'autre bout de ma chambre et tombais à genoux sur le plancher avant de m'allonger complétement, les larmes coulant à flots sur mes joues. J'étais tellement idiote. Comment avais-je pu penser ne serait-ce qu'une seule seconde qu'on s'intéressait à moi ? J'étais ici depuis quelques mois seulement et Josh et moi étions ensemble depuis 3 mois et demi. Jusqu'à maintenant, tout était parfait. Il m'avait fait des avances dés la rentrée, me complimentant sans cesse, m'invitant à sortir de temps en temps et puis il m'avait embrassée. Moi, la petite coincée trop grande et trop maigre. Il était beau, fort, populaire, il me faisait rêver, je ne m'étais pas posé de questions et j'avais foncé tête baissée dans la fosse aux lions. Je m'en suis voulu pendant des mois après cela, après avoir découvert que je ne valais que trois bouteilles, un concert et un magasine porno et que la moitié de mon lycée était au courant que la petite nouvelle s'était faite avoir en beauté par les plus grands baratineurs de la ville. J'avais quitté San Francisco parce que mon père avait eut un nouveau travail à Paradise. J'étais arrivée ici pensant pouvoir être qui je voulais. Oubliée la petite timide de SF, je voulais faire un entrée remarquée, comme dans les séries TV. J'étais naïve, je m'étais faite avoir comme une gamine de 10 ans et j'allais le payer le reste de mon année. Il m'a fallut plusieurs mois pour me détacher de cette image, pour oublier. Je n'ai pas fais partie des cheerleaders, je n'ai pas eu de petit ami footballeur, je n'ai pas été nommée reine de la promo. Mes complexes sur ma taille et mon poids avaient refait leur apparition mais j'avais des amis, ma famille et puis mon humour légendaire et un caractère bien trempé -apparu assez soudainement- derrière lesquels cacher mes angoisses d'adolescente.

Aujourd'hui

Ce n'était pas la première fois qu'il me disait ce genre de chose, mais jamais il n'avait eut l'air de le penser autant qu'aujourd'hui. Ca faisait mal, très mal. D'habitude je lui sortais une réplique cinglante avec un petit rire moqueur mais pas là. Je ne trouvais pas de surnom idiot à lui donner, pas de mots méchants à lui lancer, j'étais devenue une pleurnicheuse. Mademoiselle la pleurnicheuse ou plutôt, Madame la pleurnicheuse. J'étais momentanément redevenue la petite Alice pleurnicharde, bernée par son premier petit ami. Et puis, j'essayais de me souvenir de la façon dont j'avais pu me retrouver dans cette situation mais mon esprit était embrumé.

Mai 2011

J'étais à un gouter d'anniversaire. Des ballons, des bougies, du soda, des jus de fruits, des jeux de construction à moitié déballés : j'accompagnais mon petit frère à une fête pour pré-ado. L'hôtesse des lieux me proposa de rester car elle avait son "Neveu tout à fait charmant du même âge que toi environ" qui trainait dans le coin. Je déclinais gentiment sa proposition, prétextant une tonne de travail en retard. J'allais sortir de la maison lorsque je croisais deux jeunes hommes. Cela devenait tout de suite bien plus intéressant. Je passais l'après midi avec eux, tentant de me rapprocher très peu délicatement du sculptural Klente au corps digne des meilleures figurines "Action Man" que mon frère collectionnait. Une bouteille et un Action ou vérité plus tard, nous étions assis dans une chambre d'enfant, une bouteille d'alcool fort entre nous nous rendant très joyeux. Je mis Klente au défi d'embrasser Harry mais pour je-ne-sais quelle raison, c'est moi qui me suis retrouvée à l'embrasser. Et puis c'est le trou noir, le néant. Je me souviens seulement des yeux du jeune homme et d'un rire idiot, certainement le mien.
Je me suis réveillée mariée le lendemain matin, à cet idiot fini, une bague en réglisse au doigt. Fichue malediction. J'avais espéré y échapper, étant arrivée seulement quelques semaines avant qu'elle ne soit lancée sur la ville. Mais visiblement non, j'étais comme tout le monde ici.
Ce n'était que le début des galères. Je m'installai chez lui dans les semaines qui suivirent. Il se faisait assez d'argent pour nous faire vivre avec ses dessins et j'avais un job de serveuse en plus de mes études de journaliste. Le ménage, la cuisine et le repassage étaient des mots presque inconnus pour moi. Je n'étais pas le genre de fille à céder ses quatre volontés à un homme, et encore moins lorsque cet homme était mon mari. Nous étions dans cette merde tout les deux, je ne voyais pas pourquoi je devais en faire plus que lui. Féministe convaincue ? tout à fait. Et puis, je ne comprenais pas pourquoi j'étais mariée à lui alors que j'avais fantasmé sur Klente toute la soirée. Harry et moi étions le jour et le nuit. Il était Cendrillon, j'étais l'affreuse demi-sœur.

Aujourd'hui

Je me sentais étrangement vexée, furieuse et terriblement seule. et puis, quelque chose changea. Quelque chose de nouveau, que je ne connaissais pas. Je fourrais mon visage dans mes mains, sentis ses bras se refermer sur moi et je posais ma tête sur son torse. Je ne contrôlais plus mes émotions. Des larmes coulaient sur mes joues sans que je puisse les arrêter. Il glissa quelques phrases à mon oreille, de quoi se faire pardonner, de quoi devenir un mari absolument adorable d'un seul coup. Je ne l'aimais pas, mais cela ne m'empêchait pas de l'apprécier un petit peu plus chaque jours. Peut être même que d'ici quelques mois je pourrais lui dire trois phrases sans lancer une vacherie, après tout, tout arrive !
« Je suis désolée d'être si chiante Harry. » Je restais dans ses bras, le temps de ravaler mes larmes et ma fierté, profitant de notre première étreinte en 6 mois de mariage.