Novembre 2011 – Paradise.
Poussant un soupir de soulagement, Jonathan sortit du bâtiment des sciences expérimentales de son université et regagna son auto. Etudier à la fois la philosophie et la physique-chimie, c’était pour lui une excellente manière de combiner son goût pour les études littéraires et scientifiques. Mais au quotidien, un double-cursus n’était pas toujours évident à gérer. Jonathan s’installa derrière le volant de sa voiture, cadeau de son père après l’obtention de son « high school diploma », où il avait été classé parmi les trois meilleurs de la promo. Il sentit alors son Iphone vibrer, et il décrocha aussitôt en voyant le numéro de la maison familiale.
« Salut, Nate, c’est Sunshine. » « Oh, bonjour ma puce. Un problème ? » « Je suis à la maison, avec Heaven. On est rentrées avec le bus scolaire, mais Diamond est encore à la crèche, Teddy et Lily à l’école, maman chez le coiffeur, papa au travail et la nourrice n’a pas de voiture… » « Très bien, je file les chercher. » « Merci, Jonathan, t’es le meilleur. » « Mais je t’en prie. A tout de suite. »
Jonathan raccrocha, démarra et partit en direction de la crèche. Il était l’aîné d’une famille nombreuse. Son père était un avocat réputé, et sa mère une journaliste prisée. Ils s’étaient rencontrés au lycée et avaient toujours voulu fonder une grande famille. Ils étaient encore au lycée quand elle était tombée enceinte de Jonathan, et après lui, ils avaient résolu d’attendre d’avoir une vie bien stable pour avoir d’autres enfants. Voilà pourquoi une grande différence d’âge séparait Jonathan de ses cadets. Alors qu’il avait vingt et un ans, Sunshine en avait onze, Heaven huit, Teddy et Lily cinq, et Diamond trois. Jonathan adorait son frère et ses sœurs, il s’efforçait de leur donner le bon exemple. Même s’il ne vivait plus sous le même toit qu’eux, il s’arrangeait toujours pour les voir régulièrement et pour passer du temps avec eux.
Teddy, Lily et Diamond furent ravis de constater que c’était leur frère aîné qui venait les chercher. Jonathan leur offrit une glace, avant de les ramener à la maison. Il les embrassa tous avant de retourner chez lui. Jonathan vivait dans un appartement avec Kayleigh, sa femme. Non, il n’avait pas échappé à la malédiction. Il avait suffi d’un simple câlin, prétendument amical, pour que l’engrenage soit lancé. Au début, Jonathan était catastrophé, mais il s’y était vite fait. En fait, la vie avec Kayleigh était plutôt agréable. Il faut dire qu’ils étaient les meilleurs amis du monde depuis le lycée. Jonathan était alors le quaterback de l’équipe de football, aux airs de gros durs, très populaire et pourtant, rejetons les clichés – il avait aussi de très bonnes notes. Kayleigh, c’était la petite nouvelle, intello, aussi. Il l’avait vite prise sous son aile, contre toute attente, la trouvant charmante. Elle était tellement différente de ces filles faciles qui se jetaient à son cou. Ils étaient devenus inséparables, mais Jonathan n’avait jamais osé lui dire qu’il l’aimait – de peur que ce ne soit pas réciproque, de peur de perdre son amitié, de peur de la brusquer. Maintenant qu’ils se sont mariés, c’est sans doute l’occasion idéale, mais Jonathan ne sait pas comment s’y prendre.
Tout ce que Jonathan savait, c’était qu’il avait vraiment de la chance. Sa petite vie, elle pouvait être vite résumée. Il était né à Paris, la ville de sa mère, et y avait vécu cinq ans. Puis il était arrivé à Paradise, la ville de son père, d’où il n’avait plus bougé – à part les nombreux voyages pour des vacances en famille. Il avait reçu une éducation exemplaire, des valeurs, avait toujours ce qu’il voulait. Il étudiait ce qui lui plaisait, il avait une famille géniale, une femme merveilleuse… Oui, assez banal, stable, mais tellement rassurant, sécurisant, joyeux même. Hors de question de tout gâcher. Il faut toujours profiter de la vie !