Londres ; Royaume-Uni
vingt huit décembre mille neuf cent quatre vingt sept.
Je suis née dans la capitale britannique, à Londres. C’était une belle journée ensoleillée, il y avait un temps morose, la température avoisinait le zéro, ce qui était relativement commun pour un mois de décembre. Cependant, je n’allais pas être la seule à venir faire le bonheur de mes parents, en effets nous étions deux, des jumeaux. Inutile de vous dire le choc que cela a pus faire à mes parents lorsqu’ils l’ont appris au bout du cinquième mois, lors des premières échographies le docteur avait pourtant assuré qu’ils auraient une petite filles et pourtant, surprise. Ils avaient entrepris de faire une chambre toute en rose, des coussins rose, le berceau rose, des ours rose, les murs rose, en bref c’était panique à bord. Leur petit garçon allait sans doute être traumatisé à la vue de toute cette énergie girl power. Aussi leur médecin les avait prévenus, ils allaient avoir des prématurés, c’était quelque chose de presque normal lorsqu’on allait mettre au monde des jumeaux mais ça leur avait mis une sorte de pression plutôt étrange. Des remises en questions quand a leur avenir, le travail de chacun, la maison, tout allait trop vite et ils étaient incapables de ne pas se poser trop de questions. Surtout après avoir appris que leurs enfants resteraient probablement plus de trois semaines à l’hôpital ils ne savaient plus ou ils en étaient. Toujours est-il qu’en cette fin d’après midi lorsque la main de ma mère se crispa sur la cuisse de son mari, il ne lui fallut pas plus d’une demi seconde pour comprendre que le travail venait de commencer, c’était trop tôt ils le savaient pertinemment. Le break sorti du garage sur les chapeaux de roue, ma mère à l’arrière suppliant son mari de se dépêcher sinon elle allait probablement le tuer et celui-ci qui faisait en sorte de ne pas se faire arrêter par la police ni de renverser quelqu’un au passage. Ils mirent une bonne demi heure avant d’arriver à l’hôpital, temps record étant donné le flux dense de circulation qui caractérise la ville. Bref il fallu près de cinq heures au personnel hospitalier et bien entendu à ma mère, avant que mon frère daigne pointer le bout de son nez, je le suivis deux minutes après. Nous étions nés sur la fin du septième mois et mes parents n’avaient pas finis de s’inquiéter pour nous.
Mes parents s’étaient rencontrés durant le lycée le plus huppé de Los Angeles, ils étaient sortis ensemble durant leur dernière année mais avaient finalement suivis des chemin différents. Lui, Ray Fields, rejoignait à l’université de Yale aux États-Unis tandis qu’elle, Victoria Grant, restait avec sa mère en Angleterre. Ils avaient rompus d’un commun accord. Durant la première année les lettres pleuvaient mais la distance, le décalage horaire avait pris le pas sur leur relation et au final ils avaient perdu contact. Et ce fut cinq ans plus tard qu’ils s’étaient retrouvés par hasard dans un café de Los Angeles, c’était comme si rien n’avait changé. Ray n'avais pas eu besoin de réfléchir lorsqu'il l’avait vu, un regard, un sourire avaient suffit. C'était la femme de sa vie. Celle qu’il aurait voulus garder auprès de lui chaque secondes de son existence. Elle lui faisait perdre la tête, il la rendait plus folle de lui jour après jour. La flamme qui c’était allumé durant le lycée ne c’était jamais éteint. Il faisait tout pour la rendre heureuse, prêt à n’importe quoi, quitte à lui décrocher la lune s’il le fallait. Émerveillés l’un par l’autre ils n’avait d’yeux que pour leur amour, leur petite vie tranquille. Ils vivaient dans leur monde, plus personne n'était assez intéressant à part eux même, plus rien ne comptait à part leur bonheur qu’ils jugeaient parfait. Âgés tout les deux de vingt trois ans ils ne voulaient plus rien perdre de leurs histoire, ils étaient jeunes mais ils savaient parfaitement ce qu’ils voulaient et cela ne semblait pas très compliqué. Ils avaient décidé d’emménager ensemble, de partir tout les deux et avaient opté pour un appartement sur la cinquième avenue. Un an plus tard Ray avait demandé la main de Victoria qui avait bien entendu dit oui, plus heureuse que jamais à l’idée d’épouser cet homme qu’elle aimait plus que tout au monde. Leur mariage avait été célébré dans la foulée et quelques mois plus tard ma mère lui annonçait qu’elle était enceinte. La boucle était bouclée en quelque sorte, un couple stable, un travail, énormément d'argent, un mariage et un bébé. Que demander de plus.
Manchester; Royaume-Uni
dix huit août quatre vingt dix sept.
▬ «
Skylar ! Tu viens prendre tes médicaments ou il te faut une invitation spéciale ? » La voix suave de ma mère retentissait depuis une bonne vingtaine de minutes dans toute la maison et moi la seule chose que j’arrivais à faire c’était regarder mon frère en train de se recouvrir entièrement les doigts de scotch. «
Tu dois ranger ta chambre ! » Lui dis-je en pointant du doigt ses affaires qui trônaient au beau milieu de la chambre. Levant la tête vers moi il la secoua frénétiquement en haussant les épaules. «
Je m’ennuie. » Répondit-il platement, poussant un soupir je sortis de la pièce, il me suivit en grommelant. «
On dirais maman quand tu es comme ça… J’aime pas ça. T’es ma sœur, t’es mon demi moi, tu peux pas me donner des ordres. » Il avait sa mine grincheuse et essayait d’enlever son scotch en tirant la langue. «
Je suis peut être ton demi toi mais maman va crier si tu ranges rien ! » Il se ventait peut être d’avoir deux minutes d’avance sur moi mais je ne pouvais pas m’empêcher de me dire qu’il avait été mal finis. Repassant par sa chambre je le vit triturer sa pompe à insuline. «
Arrête de faire ça ! » Pour une fois il s’exécuta sans broncher, m’approchant doucement de lui je vérifiais que tout était en état avant de le serrer contre moi, j’avais l’impression d’avoir dix ans que plus que lui quand il faisait sa mauvaise tête. «
Tu sais que tu dois faire attention… » Soufflais-je en l’aidant à enlever tout ce scotch. «
J’aime pas être malade, j’en ai marre. » Je n’arrivais pas à le rassurer, car il souffrait de ne pas être comme les autres c’était dur pour lui et j’espérais que ma présence pouvait l’aider. Malgré tout ça c’était un garçon fort et très autonome, c’était lui qui me défendait parce que les grands de l’école aimaient bien m’ennuyer. «
Toi au moins tu as de la chance, t’as pas de problèmes. » - «
Oui je sais je suis la super jumelle et toi tu es le sale jumeau. Tu sais que ça va pas non plus. » Je lui avais répondu de manière très froide, je n’aimais pas quand il s’avouait vaincu et qu’il nous faisait le remix de Caliméro. C’était devenu comme un jeu pour lui, celui de nous deux qui était le plus malades remportait sûrement un lot dans son esprit parfois tordu. Bien entendu ma mère devait être toujours alerte, Danny était celui qui avait le plus besoin d’attention et c’était une chose tout à fait normal, il était diabétique et avait réellement besoin de soin à chaque instant. Surtout parce qu’il était très bagarreur et qu’il fallait sans cesse vérifier son insuline, il était obligé de l’avoir sur lui vingt quatre heures sur vingt quatre, on ne savait pas si un jour ça changerait. Mais lui, il ne voyait pas ça comme cela, il voulait qu’on le laisse tranquille, j’étais une des seules qu’il laissait vérifier si tout était normal, mais je savais que si je n’avais pas été sa jumelle, juste sa grande ou sa petite sœur ça n’aurait pas été pareil. Lui faisant un bisou sur la joue, je partis en sautillant de sa chambre, notre mère avait finie par se lasser et m’attendais assise sur mon lit. «
Alors ma belle ça va mieux ? » Me demanda-t-elle en caressant doucement le bas de mon dos, posant doucement ses lèvres sur mon front elle avait une mine soudainement soucieuse. «
Tu as encore un peu de fièvre Sky tu es sûre que tu ne veux pas aller chez le médecin ? » - «
Ca va maman je te promet, va plutôt voir Danny il s’amuse à se coller du scotch partout ! » Se levant en secouant la tête elle éclata de rire. «
Qu’est ce qu’on va faire de ce gosse ? » Je haussais les épaules avec un grand sourire. «
On l’attache et on l’abandonne ! » Elle sortis de ma chambre en caressant doucement mes cheveux avec un sourire en coin.
Ce soir là, descendant les escaliers j’entendais mes parents se hurler dessus, une fois de plus. Restant assise sur les escaliers je jouais machinalement avec la laine qui recouvrait le bois. Une nouvelle prise de tête, cela faisait un mois qu’ils ne cessaient pas, jamais, notre mère avait finis par jeter son téléphone à la poubelle. Cela me rendait dingue, Danny devenait de plus en plus agressif au fil des jours et ils ne s’en rendaient même pas compte. Je sentis la moquette se plisser sous les pas de mon frère qui venait de s’asseoir derrière moi et de m’enlacer sans un mot. Cela devenait de plus en plus dur, nos parents se déchiraient littéralement et ils ne faisaient plus attention à nous, ils ne se rendaient pas compte que ça nous faisait souffrir. Plus nos parents hurlaient, plus mon frère me serrait contre lui, je l’entendais murmurer quelque chose mais je n’arrivais pas à l’écouter, je ne pouvais pas détacher mon attention de mes parents. Notre mère apparue sur le seuil des escaliers les yeux rougis par les larmes, se mordant la lèvre elle tenta une approche vers nous mais mon frère me tira vers lui et m’entraîna dans sa chambre. Fermant la porte à clef il s’y adossa en me regardant les yeux brouillés, sa respiration se faisait de plus en plus saccadée et il se mit à sangloter. C’était la première fois que je le voyais comme ça, lui d’habitude si fort, le genre de garçon qui à onze ans déjà prenait tout sur lui, se comportait en petit homme. M’approchant doucement de lui je m’accroupis en caressant son visage du bout des doigts, ses sanglots reprirent de plus belle et il se jeta dans mes bras. Je l’entendais pleurer et je ne savais pas quoi faire à part le serrer contre moi comme si c’était la dernière fois. Relevant son visage je lui déposais un baiser sur le front en relevant ses cheveux, mes larmes ne tardèrent pas à se mêler aux siennes.
Londres, Soho ; Royaume-Unis
quinze décembre deux mille quatre.
Quinze jours. Quinze longues journées que nos parents nous avaient quittés. Après une énième dispute ils avaient décidés de faire une ballade en voiture sur les collines de la ville, histoire de prendre l'air, de se rappeler de leurs jeunesse. Ils n'en étaient pas revenus. Intérieurement j'espérais qu'ils avaient réussis à se réconcilier, au moins deux secondes avant ce stupide accident. Morts sur le coup. Comme deux cons dans une voiture qui coûtait un bras mais qui n'avait pas été foutue de les protéger un minimum. Tout ça me rendait malade, j'avais envie de m'enfermer dans ma chambre et de pleurer, de ne jamais m'arrêter, ou de sauter d'une falaise. Au choix. Danny, quand à lui, ne disait rien, cela faisait longtemps qu'il ne révélait plus ce qu'il pensait. Bien longtemps, il avait finit par s'enfermer dans un mutisme à la con afin d'éviter de péter une durite à la moindre engueulade. Il était comme ça mon frère. Il ne montrait jamais aucun sentiments depuis au moins ses dix ans. Même lorsqu'il était malade, qu'il allait réellement mal il s'en foutait. Personnellement, je savais que j'allais finir par faire des conneries. C'était idiot mais sans ma mère je ne savais pas ou j'en étais. Elle avait toujours était présente dans n'importe quel moment, même lorsqu'elle était au plus bas. Seulement là, devoir ranger tout ses cartons, ça me rendait encore plus triste. Parce que j'aurais voulus ne pas à avoir faire ça avant mes cinquante ans. J'aurais voulus ne pas les perdre tout les deux. Mais cette connasse de vie en à fait autrement. Voilà ce que j'en tirais; la vie est une salope. Qui donne mais qui se charge de tout te reprendre aussitôt. Finalement je ne m'étais pas trompée. Entre la drogue et l'alcool j'étais passée par tout. Danny avait dû me récupérer dans des endroits les plus insalubre les uns que les autres. Je pense que c'est la raison pour laquelle il ne veut pas venir me rejoindre. Il en a eu marre, il ne veut pas revivre ça. La descente aux enfers de sa sœur jumelle ne doit pas être la meilleure expérience qui soit. Je vous passerez les détails de ces sept longues années. Parce que oui, j'ai merdé pendant sept ans. Comme une idiote. J'ai passé ma jeunesse à me pourrir avec toutes les merdes possibles et imaginable et le pire c'est que j'en étais heureuse. Je savais que j'allais finir par y passer si je continuais sur cette lignée mais je n'en avais strictement rien à faire. J'étais comme ça à l'époque. Je m'en foutiste au possible. A me piquer, à sniffer dans des boites de LA, de New York, de Vegas. Avec des mecs dont je ne pourrais même plus vous citer les noms. J'ai étais affreuse avec les autres, avec Danny, avec moi même. J'ai merdé de long en large et en travers. Et un petit matin je me suis réveillée. Bizarrement j'ai eu une envie soudaine de devenir quelqu'un d'autre. Non, là je vous mens, Danny m'avait menacée mainte et mainte fois et cette fois-ci il ne plaisantais pas. Si il le fallait il m'aurait sans doute euthanasiée. Mais dans un sens c'est grâce à ce déclic que j'ai essayé de penser à autre chose, d'essayer de sauver ce qu'il me restait de peau. J'ai donc quitté Lonres, j'avais le choix entre devenir nonne ou changer radicalement de mode de vie. Pour changer de vie, j'ai bien changé de vie. Paradise, quelle idée à la con. Autant vous dire que pour moi c'était tous des consanguins, un peu comme dans le Kentucky ou ils se marient tous entre cousins. J'avais des idées stupides mais lorsque l'on vient de Londres nous sommes vite pardonné. J'étais une californienne pure jus, incapable de vivre sans mon océan, sans les boites de nuit, sans Soho, sans ma maison. Et là, je me retrouve à Paradise, je dois avouer que j'ai un peu peur de ce qu'il va ce passer mais au moins je sais que je pourrais essayer de me reconstruire. Au calme. C'est ce dont j'ai le plus besoin.